Les Mouflettes – Comment faire ses lacets?

On dit souvent que les crises d’angoisses peuvent venir de traumatisme(s) lié(s) à l’enfance. J’avais beau chercher, je ne trouvais pas d’où cela pouvait venir, car finalement, je pense avoir eu une enfance plutôt heureuse, à côté des nombreux déménagements qui étaient plutôt déprimants.

J’ai perdu mon père en avril 2008. À cette période-là, étant le dernier à vivre chez mes parents, j’ai tenté tant bien que mal de me battre pour rendre à mon père l’hommage qu’il méritait. Une de mes tantes à pourtant prévenu ma mère : « Cédric prend sur lui, il est fort, mais un jour il explosera ! » Je voulais bien le croire, j’étais plus occupé à tout faire pour que tout le monde puisse dise au revoir à mon père de la façon dont il le mérite qu’à faire moi-même mon propre deuil à l’âge de 20 ans.

Suite à ça, mes crises d’angoisses se sont amplifiées… Lentement mais sûrement !

Un soir de 2011, moi qui avais pour habitude de laisser les volets ouverts, car j’aimais bien voir les lumières de la ville quand j’étais couché, j’ai décidé pendant une de mes crises de les fermer. La cause ? La seule peur qu’une de ces crises de panique me donne un coup de folie qui me ferait sauter du quatrième étage.

Je ne pense pas être suicidaire, j’aime la vie, j’adore la vie, mais ce soir-là, ça n’allait pas.

Ce fameux soir, j’ai décidé qu’il était temps de faire ce que je pensais à faire depuis déjà plusieurs années : voir un psy.

En 2009, j’avais déjà fait le test une fois dans la ville où j’habitais depuis fin 2008 avec mon copain, et ce ne fut pas du tout prometteur… En effet, le mec fumait des Gauloises pendant la séance, son gros chien dormait sur le canapé, et le mec avait à peine entendu mon nom qu’il me prescrivait des antidépresseurs dont les effets secondaires étaient les idées noires et les pensées suicidaires… Effectivement j’avais besoin de ça. Inutile de préciser que je ne suis jamais allé chercher ces médicaments et que je ne suis jamais retourné voir ce « médecin » que je pourrais qualifier d’incompétent.

En 2011, c’est un ami qui m’a recommandé le sien. J’ai donc essayé sans vraiment y croire, et les séances se sont nettement mieux passées. J’ai fini avec un traitement de décontractant, pour m’aider à dormir, et depuis je suis toujours suivi par ce médecin à ce jour… Les traitements avaient pu être réduits : j’en prenais un demi uniquement en cas de crise d’angoisse. Si j’en prenais deux demis dans le mois, c’était un exploit. Je n’avais plus ces angoisses, mais m’en étais-je débarrassé ? Faut pas rêver !

En décembre dernier, suite à une violente dispute avec un ami qui m’est très cher, ces crises de paniques sont revenues comme un boomerang avec une violence que je n’avais encore jamais connue… Si finalement l’explosion était imminente ?

En plus de cette dispute, je changeais de vie professionnelle, l’année de la trentaine arrivait… Bref, tout pour me rendre bien nerveux et à fleur de peau. J’ai donc décidé en janvier 2017 que ces crises de panique que j’ignorais depuis tant d’années devaient être comprises et non plus cachées. Que je devais apprendre à vivre avec et arrêter de les refouler. Mais la base pour faire tout ça… c’est de comprendre d’où elles viennent.

Le travail avec le psy n’avançant plus, je le garde surtout pour mon traitement en cas de besoin, je décidais de rechercher des méthodes alternatives pour trouver comment aller mieux.

Premier test : l’hypnothérapie

Un collègue m’a conseillé de tester l’hypnothérapie, sa femme ayant fait des séances avec une hypnothérapeute qui avait « fait des miracles ». Je pris un rendez-vous avec cette personne pour faire l’essai.

Lors du premier rendez-vous, j’ai sorti beaucoup plus de choses à cette femme que je n’en avais sorti à mon psy depuis 2011, et j’avoue que la conversation m’a fait du bien. Puis nous avons fait le test de l’hypnose pour voir si j’étais réactif à la méthode, et il se trouve que oui, je l’étais.

C’est perturbant d’avoir l’impression d’être deux en soi : le conscient et le subconscient. Cette personne qui a pu faire bouger mon corps, j’aurais pu lutter, je n’ai pas voulu, je voulais faire le test jusqu’au bout. J’aurai pu feinter, hors de question, au prix que ça coûte. C’est bel et bien mon corps qui bougeait seul, et moi je le subissais comme spectateur les yeux fermés. Je partais content d’avoir fait l’expérience, mais aussi un peu perturbé parce que j’avais l’impression que j’avais de nouveau tout à apprendre de tous ces « moi » qui ne font qu’un « moi ».

Le soir même, j’avais une sortie avec deux amies. Et il se trouve qu’en leur racontant ça, j’ai senti le malaise monter… Je ne me sentais vraiment pas bien, l’appétit complètement coupé, plus de force, mal aux yeux, énorme coup de fatigue, et l’énorme angoisse qui venait avec le malaise. Je n’ai rien mangé ce soir-là, et n’ayant pas ma voiture, j’ai dû demander à mon ami de venir me chercher… Pour plomber une soirée, je suis plutôt doué. Mais mes deux amies sont compréhensives et préféraient elles-mêmes que je rentre chez moi me reposer.

Lors de la seconde séance, j’ai parlé avec l’hypnothérapeute de ce malaise. C’est ce moment qu’elle a choisi pour me dire : « Il faut éviter de parler des séances pendant les premières 48 heures qui la suivent… J’ai oublié de vous le dire ? » Je confirme, vous avez oublié de me le dire. Je n’apprécie pas trop ce genre d’oubli à vrai dire.
Lors de cette séance, elle m’a promis de m’envoyer des vidéos pour faire de la cohérence cardiaque… Je me suis dit que cela serait un test.
Pour résoudre mes soucis, j’ai besoin d’être entouré de personnes qui s’y intéressent un minimum et non pas de personnes qui ont juste besoin de se faire du pognon. À ce jour, six mois après, j’attends toujours ces vidéos ! J’ai donc décidé de ne pas y retourner.

Après cela, j’ai quand même changé sur ma façon de voir certaines choses, et j’ai décidé de remonter moi-même jusqu’à mes soucis étape par étape. Mes dernières crises avaient commencé suite à une dispute. J’ai donc décidé d’écrire un mail à la personne avec qui la dispute a éclaté. Je souhaitais que même si nous ne nous réconciliions pas, je préférais lui dire au revoir d’une façon plus agréable que notre dispute. Suite à cela il m’a répondu, nous avons remis les choses à plat, et notre amitié est repartie. Mais pas les crises. Très vite nous nous sommes donc revus, pour un barbecue, et la même crise que le soir de mon hypnose est revenue. Bloqué, coincé, sans appétit, juste tétanisé… J’ai été très transparent sur ces crises, sans pour autant insister sur le fait que cela venait de notre dispute, car ce ne serait qu’empirer les choses, empirer la crise, comme risquer de briser cette réconciliation. C’est pourtant lui et son compagnon qui m’ont finalement proposé la solution qui changera tout.

« Tu devrais aller voir un ostéopathe, une amie faisait des crises comme toi, elle a été voir un ostéo, il a constaté qu’elle avait une cote déplacée, et depuis qu’il lui a remis en place, elle en fait plus. »

Si seulement ça pouvait être si simple, j’ai déjà vu un osthéo, il m’a fait craquer tous les os qu’il pouvait et ça n’avait pas résolu ces crises pour autant. Mais pourquoi pas retenter, j’ai des douleurs au dos… Mais pas celui que j’avais déjà vu, à chaque visite il essayait de me vendre des capsules d’huile pour ma peau trop sèche… 15 € le pot, je dois avoir une bonne tête de consommateur !

Second test: l’ostéopathe biodynamique

La mauvaise expérience avec l’hypnothérapeute n’ayant pas abîmé la confiance que j’ai en un de mes collègues, je l’écoutais une nouvelle fois quand il me conseilla un ostéopathe en particulier qui se trouve dans un cabinet réputé de l’agglomération. Qui dit cabinet réputé, dit que ce ne doit pas être un « charlatan ». Je prends donc rendez-vous avec ce praticien, RDV pris quinze jours plus tard.

Première séance, après lui avoir donné quelques renseignements qu’il note sur une feuille de papier et non pas sur un ordinateur, il me demande de me déshabiller et de me mettre debout. Il tourne autour de moi, et fait des mouvements avec les bras, j’apprendrais à la seconde séance qu’il examinait ma « bulle ». Il me demande de m’allonger et se met à passer les bras au-dessus de mon corps sans me toucher… Je me demandais s’il n’essayait pas de capter la TNT…

Il s’arrête au niveau de la rate et me demande « Avez-vous subi un choc émotionnel à l’âge de 20 ans ? ». Je lui indique que c’est l’âge auquel j’ai perdu mon père (ayant parlé de mon père au passé, il a pu deviner qu’il était décédé, en revanche au niveau de l’âge, je n’avais rien dit). Après ma réponse, il m’indique naturellement que ce choc émotionnel « s’est stocké » dans ma rate et qu’il va faire une opération pour me le retirer. Je le sens donc mettre un produit à l’endroit de la rate, je vous avoue que je ne saurais pas dire ce qu’il a fait, s’il a frotté, épongé, pincé…. ou même tout à la fois. Dans tous les cas, d’après lui, il m’a extrait un « sacré démon ». Il m’a demandé de me masser cet endroit avec de l’huile essentielle pendant un mois, et nous avons repris RDV pour une seconde séance un mois plus tard.

Pendant ce mois, les premiers jours ont été difficiles : des grosses crises de panique, liées à de fortes chaleurs et beaucoup d’environnement et d’expériences nouvelles. Mais une semaine après tout allait bien, et cela a duré tout le mois. J’ai même pu commencer à réduire mon traitement. Cependant la cause n’était toujours pas trouvée.

Lors de la seconde séance, il a souhaité travailler sur une scène de mon enfance qui me revenait souvent. Naturellement j’ai pensé à ma première crise de panique que je vous ai un petit peu décrite dans le précédent article. Il m’a demandé allongé de penser à toute cette scène et d’imaginer l’écrire dans un livre que je rangeai dans une bibliothèque.

Pour rappel, cette scène se passe dans une église lorsque je suis enfant de chœur. Aucun membre de ma famille n’était présent lors de cette messe…

Suite à cet exercice, il me pose une question sans me ménager, et à laquelle je ne m’attendais pas du tout. C’est tout naturellement qu’il me la pose : « Que pouvez-vous me dire sur votre grand-père ? » D’abord perturbé, je lui demande : « Comment ça ? » Il me répond : « Comment était-il ? Physiquement, moralement… » Et là le choc… et la réponse qui sort presque aussi naturellement : « Je sais pas trop, ce que je peux vous dire, je sais juste qu’il y a une époque où je refusais catégoriquement de le voir. »

On dit que les crises de panique viennent de l’enfance… et si cela venait de là ?

En effet… Il avait mis le doigt sur une chose que j’aurais peut-être dû explorer beaucoup plus tôt. Il se trouve que mon grand-père était un vrai chef de famille, un dur. Sans aucune violence, mais beaucoup d’autorité. Lorsque j’avais entre 8 et 10 ans, il s’est mis à se focaliser sur ma façon de faire des lacets… Je savais faire mes lacets, mais il n’aimait pas ma façon de faire, il appelait ça des « mouflettes ». Il se trouve qu’un jour, agacé par cela, il m’a demandé de les faire, les défaire, les refaire, les défaire, les refaire… Jusqu’à m’en faire pleurer. Tellement anodin pour un adulte, tellement destructeur pour un enfant et pour l’adulte qu’il sera plus tard…

En repensant à ce souvenir, j’ai réagi que mon grand-père fut le premier à s’être psychologiquement acharné sur moi. Je me souviens même avoir surpris une conversation entre un de mes parents avec une de ses sœurs : « Cédric refuse de le voir. Je crois qu’il (mon grand-père) ne l’aime pas. » Entendre ça pour un enfant de 8-10 ans… qui plus est je me souviens avoir été un enfant qui respectait toujours les personnes âgées, toujours les anciens, pour ce qu’ils avaient pu/dû faire (la guerre entre autres…). Cela peut effectivement entraîner un grand manque de confiance en soi…

J’ai plus récemment appris qu’il avait engueulé mes parents à ma naissance : « Vous aviez vraiment pas besoin d’en faire un troisième. » Voilà dans l’ambiance dans laquelle je me rends compte avoir grandi, et cela m’a permis de comprendre plein de choses. Même s’il est clair que pour mon grand-père, un seul de ses petits-enfants existait, de là à ne pas aimer les autres ou même l’un des autres… C’est perturbant.

Mais finalement suite à ça je comprends mon ressenti… Je sais que là je vais écrire des choses dures, mais des choses que finalement il est temps que moi aussi je les assume… Je préfère prévenir parce que je sais que certaines personnes de ma famille peuvent lire ce blog, et je sais que ce qui suit peut leur faire du mal… Je vous conseille donc, si vous ne souhaitez pas voir ma vérité en face, d’arrêter la lecture tout de suite.

La vérité

La vérité la voici, c’est que finalement, si mon grand-père ne m’aimait pas, je pense que c’était réciproque, je ne pensais pas cela possible, et pourtant c’est maintenant pour moi une évidence. Lors de son décès, ce n’est pas son départ qui m’a fait pleurer, mais les pleurs de ma grand-mère. J’ai pendant des années souffert du refoulement de cette rancœur, et pourtant maintenant il est temps que je l’accepte. Il est tant d’assumer ce ressentiment que j’ai à son égard sans en culpabiliser… Culpabilisait-il ? Je ne pense pas. Je n’ai jamais ressenti le besoin, ni même l’envie d’aller sur sa tombe, car cela ne me renvoyait que cette autorité désagréable qu’il avait envers moi. Peut-être était-il un bon chef de famille lorsqu’il était père… Mais en tant que grand-père, ce n’était pas le cas, et même si moralement, il traitait tout le monde de la même façon (cadeau, finance, accueil…), psychologiquement ce n’était pas le cas, et ce n’est pas digne d’un chef de famille.

Je ne sais pas ce qui fait qu’il était comme il était. Mais grâce à cet ostéo qui me surprend à chaque séance, je pense enfin commencer à comprendre ce qui fait que je suis comme je suis…

La question suivante

Maintenant que je comprends un peu d’où peuvent venir ces crises, je me retrouve avec des cartes en main sans même savoir comment jouer… Si maintenant j’ai enfin l’impression d’avancer, enfin du positif après ces années et ces mois de galère, je ne sais pas quelle étape sera la suivante pour apprendre à vivre avec cela… l’oublier… et commencer à vivre mieux…

Pour marque-pages : Permaliens.

Une réponse à Les Mouflettes – Comment faire ses lacets?

  1. Pascal MARTINEAU dit :

    Voilà un texte très fort. Pour la courage qu’il a fallu pour écrire ces mots. Pour son contenu.
    On n’imagine pas à quel point des événements de notre enfance qui peuvent nous paraître anodins constituent des éléments essentiels de la construction de notre personnalité, comme le prouve une nouvelle fois ce récit.
    Bravo à cet ostéopathe pas comme les autres d’avoir su être le révélateur, – oserais-je dire l’accoucheur – de cela.
    Bravo surtout à toi Cédric d’avoir engagé cette courageuse démarche et d’avoir pris le temps d’écrire cela. Ca n’en est que plus impressionnant.
    Je suis heureux pour toi que tu avances ainsi dans ta vie.
    Ton ami qui t’aime fort.
    Pascal

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